


JEN
Propose des portraits des associations joinvillaises. *
Aujourd’hui
JEN est allé à la rencontre de « Niger Vivant » association Loi 1901, déclarée en 1907, dont le but est d’ « apporter un Soutien logistique et financier aux projets de développement durable pour les populations de l’Aïr et du Ténéré »…
Cela est la définition officielle.
Qui sait où est le Niger ? qui sait ce qu’est l’Aïr ou le Ténéré ?
Pourtant tout le monde connaît la mince silhouette de Marie-Françoise Proeschel, présente à chaque manifestation où elle parle du Niger et peut vendre des bijoux traditionnels touaregs .
Mais qui s’arrête à son stand ? Qui lui achète des bijoux ?
JEN est allée faire la connaissance de l’association Niger Vivant et de sa Présidente.
JEN : Bonjour madame Proeschel, pouvez vous vous présenter ?
Marie Françoise Proeschel : Je suis retraitée. J’ai eu une vie professionnelle de technicienne de laboratoire, je travaillais à l’hôpital et j’ai eu la chance d’être dans un service d’explorations fonctionnelles faisant de la routine et de la recherche en endocrinologie. C’était passionnant.
Toute ma vie j’ai aimé voyager et j’ai aimé les déserts. Lorsque j’ai pris ma retraite j’ai décidé de partir au Niger où je n’étais encore jamais allée car il est plus difficilement accessible, plus cher et les distances sont plus grandes.
Les touaregs de cette région parlent la langue tamachek, qui a son propre alphabet le tifinagh. Cette langue et cette écriture sont, avec des variantes, communes à tous les peuples berbères. Mais la décolonisation a eu pour conséquence, entre autres, de diviser cette zone touarègue entre l’Algérie, la Maroc, le Niger, la Lybie et le Tchad, alors que la population a une unité de langue et de culture. Le Niger a été colonisé par la France, la langue officielle est donc le français, mais dans cette région reculée du nord peu de gens le parlent.
J’ai commencé par aller au Niger avec un circuit organisé qui faisait la traversée du Ténéré. Durant celle-ci un aide infirmier pris en stop m’a dit : « on a besoin de toi ». Ses paroles ont tourné dans ma tête et rentrée en France je me suis engagée dans l’association de St Mandé « Il était une fois dans l’oued » qui a créé une école à Galelo. Je suis partie 3 mois dans ce village, pensant pouvoir partager le quotidien des femmes, mais c’était compliqué car personne ne parlait français sauf les instituteurs.
Les populations Touarègues traditionnellement nomades vivaient principalement du commerce des caravanes d’environ 3000 chameaux. Cette activité caravanière, remplacée par les camions n’a plus lieu d’être. Les populations ont donc commencé à se sédentariser et vivent d’agro-pastoralisme faisant paître des troupeaux de chèvres, là où il y a de l’eau, et de la nourriture pour les bêtes. Ce qui signifie un mode de vie semi nomade et très pauvre, car la région montagneuse de l’Aïr-Ténéré est aride et les points d’eau souvent éloignés de 20 ou 30 km.
J’ai eu envie d’aider mais je me demandais comment venir en aide à cette population courageuse, comment décider des actions, et des priorités. C’est alors que j’ai fait la connaissance du chef traditionnel de la région de Tin Telloust qui parle français : Ahmed Tcholli. Dans ce secteur où vivent plus de 3000 Touaregs, il n’y a ni électricité, ni téléphone, ni réseau internet. Il faut se rendre à Arlit (ville fondée par Areva près des mines d’uranium) situé à 240 km de piste pour avoir hôpital, commerces, téléphone et internet.
En 2007 j’ai créé l’association «Niger Vivant», et Ahmed Tcholli créait en même temps à Tin Telloust l’association «Désert Vivant».
Ensemble nous avons défini les actions à mener, et les priorités. Ahmed nous a aidé à ne pas nous substituer aux obligations gouvernementales. Ainsi nous avons construit des latrines pour l’école et le dispensaire, mais c’est le gouvernement nigérien qui a construit l’école et le dispensaire et qui en finance le personnel.
Sur les conseils d’Ahmed, «Niger Vivant» a commencé par financer la construction de puits. Si auparavant les femmes devaient souvent faire 30km pour avoir de l’eau, aujourd’hui il y a toujours un point d’eau à moins de 3 km. Avec de l’eau on peut jardiner, nous en sommes aujourd’hui à 300 jardins dans lesquels poussent oignons, ail, céréales et agrumes. Les familles sont maintenant en autosuffisance alimentaire.
Nous avons également re-cheptelisé des familles en leur fournissant à chacune 3 chèvres et un bouc. C‘est grâce à Ahmed que nous avons procédé ainsi, sans ses conseils, nous aurions peut être essayé de créer un troupeau pour le village. Mais Ahmed nous a expliqué, que ce serait beaucoup plus difficile, car personne ne se serait senti responsable d’une bête malade, il y aurait eu facilement accaparement individuel de bêtes en cas de besoin, pas de reproduction du troupeau… Ainsi petit à petit chaque famille a du lait, du fromage, peut avoir de la viande et peut également vendre une bête en cas de besoin.
«Niger Vivant» a également fourni 12 graines de Moringa. Au cours d’une visite dans une exposition j’ai rencontré une personne qui m’a présenté le Moringa comme arbre de vie. C’est un arbre qui, maintenant qu’on peut lui apporter l’eau dont il a besoin, survit très bien dans le désert malgré les énormes écarts de température, qui vont de -5° la nuit à +50° le jour. C’est un arbre magique : 100 grammes de feuilles fournissent 13 vitamines, 10 minéraux et autant de protéines qu’un steak. De plus cet arbre n’est pas attaqué par la chenille « azaluf » qui détruit les plantes, fait avorter les chamelles qui la mange, n’a ni prédateur, ni destructeur chimique. Sur les 1000 plants de moringa cultivés dans la pépinière-école créée par «Désert Vivant», 750 sont distribués aux familles. L’arbre produit trois récoltes par an, et on voit souvent les femmes vendre des bols de feuilles.
«Niger Vivant» finance également les études de 6 jeunes collégiens et lycéens dont les établissements scolaires sont loin de chez eux, à Iferouane ou à Timia. Si nous ne favorisons pas les voyages de jeunes touaregs vers la France, car l’expérience des autres montrent qu’ils sont souvent en difficultés scolaires à leur retour, Niger Vivant aimerait beaucoup pouvoir créer des relations entre une école ici et l’école de Tin Telloust. J’aurais bien aimé travailler avec les écoles de Joinville, et y faire une information auprès des enfants avec Ahmed Tcholli quand il vient en France.
Maintenant, l’objectif de «Niger Vivant» pour les 3 années à venir est la construction de maisons pour 35 familles en attente. L’habitat traditionnel est une paillotte. Cette habitation rudimentaire très exposée aux incendies n’offre pas de protection thermique contre le froid et le chaud, se dégrade rapidement sous l’effet des tempêtes de sable et de la pluie : Il faut les reconstruire tous les deux ans.
Le but est de construire un éco-habitat adapté au milieu désertique. Selon Ahmed, dans la mesure où disposant, à proximité de pierres et banco, le « béton de terre » que nous pensions utilisé et nécessitant l’emploi de machines n’est pas le matériau le mieux adapté. Les maisons sont donc construites avec de la chaux et des pierres du pays. Actuellement 4 maisons sont déjà bâties et font le bonheur des familles. L’apport financier de «Niger Vivant» pour la construction d’une maison est de 1400€.
JEN : Reste à vous demander comment vous financez toutes ces opérations.
Marie Françoise Proeschel : Nous utilisons l’argent des cotisations de nos adhérents, et les dons qu’ils nous font. La totalité de l’argent que nous recevons est affectée à nos actions sur le terrain. Nous organisons des rencontres variées, au cours desquelles nous essayons de vendre nos propres productions : livres, photos, calendriers, papyrus…ainsi que de l’artisanat touareg : bijoux en argent provenant de l’association « Tazzalt » que nous avions créée. Cette association prenait en charge les enfants des rues d’Agadez pour leur donner une formation de forgeron-bijoutier pendant 3 ans tout en leur enseignant les bases de lecture, d’écriture et de calcul. Les bijoux étaient alors vendus aux touristes. Mais avec les troubles il n’y a plus de touristes, et nous avons dû arrêter cette activité après avoir importé ces bijoux ici. Nous allons dans les diverses manifestations en espérant vendre ces bijoux, et en essayant d’attirer de nouveaux adhérents.
Article publié par Joinville-et-nous le 22 septembre 2019